L’EcoRéseau de la Brévine

Le pâturage boisé, paysage emblématique du canton : l’exemple de l’EcoRéseau de la Brévine

Le pâturage boisé fait partie des paysages typiques de l’arc jurassien. Qui n’est pas allé au moins une fois se promener dans ce décor emblématique, y déguster une torée ou encore y cueillir des champignons une fois l’automne venu ? Cet écosystème, dont la valeur paysagère et biologique est largement reconnue, est cependant un milieu particulièrement vulnérable. Il est en effet le reflet d’un équilibre fragile entre la forêt et les milieux ouverts. Ainsi, le bétail empêche, en broutant, que les arbres ne colonisent l’ensemble de la surface. Cependant, à contrario, trop de bétail ne permettrait pas la régénération indispensable des éléments boisés.

Ces milieux sont à protéger, car ils font non seulement partie du paysage jurassien, mais également parce qu’ils présentent une richesse biologique impressionnante. Ainsi ils renferment en leur sein une mosaïque de nombreux milieux dans lesquels animaux et plantes se plaisent beaucoup. Par exemple, le hibou moyen-duc installe son nid en lisière, mais chasse les micromammifères dans les milieux ouverts alentours; le pipit des arbres utilise les épicéas isolés comme postes de chant, mais niche et se nourrit au sol dans les pâturages. Même les murs en pierres sèches recèlent une forte diversité de plantes aimant la chaleur et les sols pauvres.

Initié il y a un peu moins de 10 ans, l’EcoRéseau de la Brévine prend non seulement en compte les aspects « milieux » et « espèces », mais intègre également la notion de « paysage » en ciblant son action la préservation des pâturages boisés.

Rapport de renouvellement

Le périmètre du réseau écologique Pâturages boisés La Brévine couvre 528 ha, dont 278 ha de SAU (353 ha avant l’épuration des pâturages boisés en 2009) répartis entre 16 exploitations

Le périmètre du réseau est exploité par 16 agriculteurs (ou communautés d’agriculteurs). 14 d’entre eux participent au réseau alors qu’ils n’étaient que 11 en 2009.

L’EcoRéseau de la Brévine (rapport 2007)

Les pâturages boisés, écosystèmes caractéristiques du Jura à l’équilibre fragile, sont au centre de nombreux enjeux (PERRENOUD et al. 2003): épuration de la SAU, biodiversité élevée et présence d’espèces emblématiques, déprise des pâturages éloignés des fermes, intensification des secteurs les plus fertiles, conversion en prés de fauche après girobroyage, etc.. Ils suscitent des attentes variées et parfois antagonistes dans les milieux de l’écologie, de l’agriculture, de la sylviculture et du tourisme. Ce premier projet de réseau dans le Haut du canton a ainsi pour but de jeter les bases d’une exploitation durable de ce type de milieu.

Objectif 1

Conservation et restauration des communautés animales et végétales thermophiles liées aux pâturages secs non boisés à peu boisés

  • espèces cibles: orchis bouffon (Orchis morio), azuré du serpolet (Maculinea arion), argus frêle (Cupido minimus), argus bleu nacré (Polyommatus coridon), Pyrgus accretus, collier de corail (Aricia agestis), pie-grièche écorcheur (Lanius collurio)

La conservation de la richesse faunistique et floristique des PPS (56 ha) est une priorité. Or, deux processus défavorables sont en cours dans le périmètre du projet:

  • – De nombreux secteurs de pâturages se referment, du fait de l’absence d’entretien ou d’une pression de pâture trop faible; l’ombrage et le dépôt de litière entraînent une modification de la composition de la strate herbacée, défavorable aux espèces du Mesobromion, et plus particulièrement aux plantes-hôtes des espèces cibles (thym serpolet, hippocrépide à toupet, anthyllide vulnéraire, hélianthème nummulaire, potentille du printemps, potentille de Crantz, etc.); la pie-grièche écorcheur peut s’installer momentanément dans les pâturages à l’abandon parsemé de buissons épineux.
  • – D’autres secteurs souffrent d’une trop forte pression de pâture et d’engraissement, pénalisant les communautés animales et végétales liées aux pâturages maigres, notamment par la disparition des plantes-hôtes des espèces de lépidoptères les plus exigeantes.

Dans l’optique d’assurer la fonctionnalité du réseau, il est indispensable de conserver et de recréer des couloirs d’échanges entre les réservoirs de faune et de flore (annexe 8). Par conséquent, le projet de réseau doit inciter les exploitants à rouvrir certains secteurs afin d’assurer les liens entre les réservoirs existants.

 

Objectif 2

Conservation des espèces végétales et animales associées aux pelouses sur affleurements rocheux

  • espèces cibles: cytise rampant (Cytisus decumbens), oeillet des chartreux (Dian-thus carthusianorum), véronique d’Autriche (Veronica austriaca), hespérie de l’alchémille (Pyrgus serratulae), tétrix à ailes courtes (Tetrix kraussi)

Les affleurements rocheux, surtout abondants dans la région de l’Ecrenaz, présentent une flore et une faune singulière, composée d’espèces xérothermophiles, souvent rares et localisées, très sensibles à la fermeture des milieux (ombrage). Les murs de pierres sèches offrent des habitats de substitution pour C. decumbens et V. austriaca, dès lors que leurs abords sont pâturés extensivement.

Seules 2 stations de C. decumbens et 6 stations de V. austriaca sont connues dans le périmètre. Ces deux plantes sont très sensibles à l’embuissonnement et ne supportent qu’une pâture très extensive.

L’objectif du projet consiste à pérenniser les stations existantes.

 

Objectif 3

Conservation et restauration de la structure en mosaïque caractéristique des pâturages boisés

  • espèces cibles: knautie de Godet (Knautia godetii), grand nacré (Argynnis agla-ja), grand collier argenté (Boloria euphrosyne), moiré sylvicole (Erebia aethiops), lucine (Hamearis lucina), hibou moyen-duc (Asio otus), pipit des arbres (Anthus trivialis)

De nombreuses espèces profitent de la juxtaposition des milieux boisés et herbacés offerte par les pâturages boisés. A. aglaja, B. euphrosyne, E. aethiops et H. lucina se nourrissent dans les pâturages maigres riches en fleurs et recherchent leurs plantes-hôtes dans les ourlets; le hibou moyen-duc installe son nid en lisière, mais chasse les micromammifères dans les milieux ouverts alentours; le pipit des arbres utilise les épicéas isolés comme postes de chant, mais niche et se nourrit au sol dans les pâturages; K. godetii affectionne les lisières fraiches dans les petites combes exposées au nord-ouest.

L’abandon ou la sous-exploitation des pâturages boisés entraîne la fermeture du boisement aux dépens des milieux herbacés, et se solde par la disparition des espèces cibles au profit d’espèces strictement forestières.

Pour répondre à cet objectif, des mesures d’éclaircies seront proposées dans les secteurs les plus propices pour les espèces cibles.

 

Objectif 4

Favoriser la diversité des espèces ligneuses au sein des pâturages boisés

  • espèces cibles: grand mars changeant (Apatura iris), grand sylvain (Limenitis populi), gélinotte des bois (Bonasa bonasia)

La conservation de ligneux à bois tendre est favorable à deux lépidoptères emblématiques (observés dans le périmètre à la fin des années 1980, non retrouvés en 2001, mais potentiellement présents). Le grand mars et le grand sylvain affectionnent les lisières mésophiles, dans lesquelles ils trouvent leur plante-hôte (des saules marsault de taille moyenne pour le premier, des trembles rabougris pour le second). Les mâles et femelles des deux espèces se retrouvent sur des épicéas dominants pour s’accoupler.

Le régime alimentaire de la gélinotte varie au cours de l’année. Au printemps, elle affectionne les bourgeons de myrtilles, de noisetiers, de saules et de hêtres. En automne, elle se gave de fruits (myrtilles, framboises) et de baies (sorbiers, aubépines, sureau rouge). L’hiver, la gélinotte se nourrit surtout des bourgeons du sorbier des oiseleurs et de l’alisier blanc, et des baies d’églantiers.

Les mesures sylvicoles devront tenir compte des exigences écologiques de ces espèces cibles, non seulement dans les SCE, mais également sur l’ensemble du périmètre du projet.

Objectif 5

Restauration de clairières dans les secteurs de bois pâturés

  • espèces cibles: gélinotte des bois (Bonasa bonasia), bécasse des bois (Scolopax rusticola), chevêchette d’Europe (Glaucidium passerinum)

La gélinotte, la bécasse et la chevêchette affectionnent les forêts riches en petites clairières. La gélinotte exploite les clairières tout au long de son cycle annuel: parades, nourrissage avant la ponte, élevage des jeunes, nourrissage et abri hivernal. Elle utilise un perchoir nocturne situé à proximité des lieux d’alimentation, composé d’un bosquet dense d’épicéas de taille moyenne (MULHAUSER, 2003).

La bécasse et la chevêchette visitent également régulièrement les clairières en période de reproduction (croule et chant) et pour la recherche de nourriture.

Cet objectif s’applique à l’ensemble du périmètre du projet, y compris aux secteurs forestiers situés hors de la SAU. L’étroite collaboration mise en place avec le service des forêts est garante de la concrétisation de cet objectif.